Le transport routier au tournant d’une révolution environnementale


Par Geneviève Cournoyer-Scalise 26 août 2020

Le développement du commerce international ainsi que la popularité du commerce électronique ont fait bondir de manière exponentielle la demande mondiale en transport et en logistique. Même si les commerces de proximité sont toujours bien présents dans notre quotidien, ils doivent s’approvisionner auprès des fournisseurs dispersés sur un vaste territoire afin de répondre aux besoins de la clientèle. Il semblerait qu’une révolution écologique de l’industrie du transport soit inévitable pour rester compétitif dans un marché féroce en pleine transformation.

L’impact de la mondialisation et l’effervescence envers le commerce électronique engendrent inévitablement plus de transport de marchandises qui se traduit par un nombre plus élevé de camions sur les routes. Indissociablement, on constate les effets néfastes de la pollution que génèrent ces types d’activités commerciales sur le plan environnemental. Selon les dernières données publiées en 2019 par le gouvernement du Canada, entre 1990 et 2016, le transport domestique de marchandises a connu une hausse de 70 %, passant de 575 à 976 milliards de tonnes-kilomètres en ce qui a attrait au transport de biens vers ou en provenance de destinations canadiennes. Afin de bien comprendre l’ampleur de la situation, une tonne-kilomètre est une mesure d’activité qui représente le mouvement d’une (1) tonne de marchandises sur une distance d’un (1) kilomètre.1 La quantité de transport exprimée en tonnes-kilomètres se calcule en effectuant le produit de la masse transportée (t) par la distance parcourue exprimée en kilomètres (km).

Ainsi au Canada, nous sommes déjà à l’aube de mille milliards de tonnes de kilomètres et tout porte à croire que ces chiffres seront encore plus éminents dans les années à venir. Étant donné que les camions de marchandises sont responsables de l’augmentation la plus importante d’émissions de gaz à effet de serre (GES), passant de 50 mégatonnes en 2000 jusqu’à 72 mégatonnes en 2017, tels que décrits dans un rapport émis par Ressources naturelles Canada en 2019. Il n’est donc pas étonnant d’observer l’apparition de nouvelles tendances plus écologiques dans l’industrie du transport afin d’offrir des solutions environnementales concrètes permettant de réduire l’empreinte écologique globale. Des initiatives prometteuses vers une approche plus verte en matière de transport routier sont déjà en branle.

Le carburant alternatif : une solution reconnue mondialement

fuel for road transport

Encore aujourd’hui, les principaux carburants utilisés par les transporteurs routiers sont l’essence et le diesel. Toutefois, plusieurs grandes villes d’Europe ont interdit les camions diesel dans les centres urbains afin de limiter les émissions de polluants dans l’air et de gaz à effet de serre. Tout porte à croire que cette tendance européenne s’étendra aussi chez nous dans les années à venir, puisqu’elle fait déjà écho aux États-Unis. Pour pallier cette contrainte, l’adoption de véhicules convertis au gaz naturel ou au biogaz comporte des avantages indéniables sur les carburants classiques, dont des émissions réduites, des économies de carburant et une utilisation de carburants autoproduits. Évidemment, des modifications mécaniques sont nécessaires pour permettre au moteur des camions de fonctionner à l’aide de ce carburant alternatif.

Au Canada, les véhicules au gaz naturel (VGN) ont connu un bref élan de popularité dans les années 80-90. À l’époque, un éventail réduit de véhicules capables de supporter la conversion au gaz naturel ainsi que l’arrêt de subventions gouvernementales provinciales et fédérales au projet ont contribué à leur déclin. On compte tout de même environ 12 000 véhicules VGN toujours en service au Canada. Un chiffre plutôt timide si on le compare au plus grand propriétaire mondial, le Pakistan qui détient une flotte de 2 400 000 VGN, suivi par l’Argentine et le Brésil qui possèdent respectivement 1 800 000 et 1 600 000 véhicules alimentés au gaz naturel. 2 Néanmoins, cette solution environnementale tend à reprendre du galon au Canada puisque les grands fabricants automobiles veulent introduire sur le marché nord-américain davantage de VGN neufs conçus avec un système d’alimentation au gaz naturel, selon le gouvernement de l’Ontario.

L’électrification des camions sur le territoire nord-américain

On ne peut le nier, les camions électriques connaissent une effervescence sans précédent. Depuis janvier, le fabricant BYD a annoncé la livraison de son 100e camion électrique à pile rechargeable aux États-Unis. À l’échelle mondiale, BYD a livré plus de 12 000 camions électriques zéro émission appartenant à toutes les classes. 3 La populaire brasserie américaine Anheuser-Busch, dont le siège social est situé à Saint-Louis dans le Missouri, a passé une commande de 21 camions semi-remorques électriques à BYD, ce qui représentait la plus grosse commande de camions électriques de classe 8 aux États-Unis en ce début d’année. Pas étonnant que Volvo Trucks North America a déjà commencé la commercialisation de son camion électrique VNR et que Daimler Trucks North America prévoit la production en série de leurs camions électriques, le Freightliner eCascadia et Freightliner eM2, pour une entrée sur le marché dès 2021.

Opter pour une flotte de camions électriques zéro émission peut paraitre comme une solution écologique rentable sur le long terme. Évidemment, des questions de logistique quant à la recharge des batteries s’invitent dans la discussion par rapport au coût et à leur emplacement. D’emblée, la plupart des entreprises qui ont choisi le chemin de l’électrification pour leur flotte de camions ont dû investir pour se procurer les outils nécessaires au fonctionnement de cette nouvelle technologie. Toutefois, la tendance tend à vouloir se démocratiser. Puisque le marché mûrit, la collaboration entre les entreprises s’intensifie afin d’investir dans la création de grands dépôts partagés disposés à la recharge de dizaines et même jusqu’à des centaines de véhicules lourds. Ces grands dépôts seront localisés stratégiquement sur le territoire nord-américain dans les années à venir.

fuel for road transport

Les marchands d’équipement de recharge tentent déjà d’éduquer les gestionnaires de flottes sur les avantages de normes plus ouvertes concernant l’accès à ces immenses dépôts qui pourraient même devenir une source de revenus dérivés. Par exemple, certains espaces de recharge pourraient être disponibles en location pour faciliter l’accès au service à de plus petits acteurs de l’industrie du transport dont les moyens financiers sont plus limités, plutôt que de devoir investir dans son propre dépôt de recharge privé, ce qui sous-entend un financement d’ordre majeur.

Considérant notre proximité avec les États-Unis, si cette démocratisation venait à s’implanter, il s’agirait certainement d’un incitatif supplémentaire pour le Canada à investir dans son réseau de bornes électriques rechargeables. Une solution environnementale éprouvée et potentiellement significative pour le développement durable au pays.

L’intelligence artificielle au service du progrès environnemental

Les progiciels de gestion intégré, également connu sous le nom anglais de Enterprise resource planning (ERP) ont la cote dans différents types d’industries à travers la planète. Pour les compagnies de transport, son implantation favoriserait une révolution non négligeable de la gestion des opérations tout en réduisant les effets néfastes de la pollution liée au transport de marchandises. En regroupant par secteur d’activité les opérations, cette nouvelle technologie électronique dotée d’une intelligence artificielle coordonne les procédures opérationnelles un peu comme le ferait une tour de contrôle. Le progiciel informe en temps réel son utilisateur des améliorations potentielles quant au rendement en proposant des solutions telles que l’optimisation des routes choisies et des arrêts prévus au journal de bord, la prise en considération de travaux routiers, ou encore la présence d’embouteillage dans un secteur précis à certain moment de la journée. Ainsi, l’échange de communication électronique constante permet aux conducteurs de camions d’optimiser leur trajet selon les recommandations issues de l’application, ce qui fera économiser du temps, du carburant et par le fait même réduire l’empreinte environnementale de l’entreprise.

Déjà implanté aux États-Unis, l’ELD s’invite au Canada

US and Canadian flags

Transport Canada a annoncé un changement de réglementation afin d’assurer un meilleur contrôle sur le transport routier. La mise en place d’un dispositif infalsifiable Electronic Logging Device (ELD) sera désormais obligatoire à bord de tous les camions de marchandises canadiens à compter de juin 2021.
En plus de faciliter la tâche aux chauffeurs lors des inspections de sécurité, cet appareil permettra l’accès à une connexion wifi et à un système de géolocalisation intégré qui assure un suivre en temps réel les cargaisons en cours de transport pour un meilleur contrôle et respect du règlement sur les heures de conduite et de repos, tel qu’exigé par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Ainsi, comme toutes les informations seront désormais transférées par voie électronique, l’élimination des fiches journalières en papier contribuera également au virage vert de l’industrie, puisque même le plus petit geste peut faire une différence au sein d’une grande révolution !

Êtes-vous prêt à emboiter le pas vers un avenir écoresponsable pour le secteur du transport ou allez-vous vous en tenir aux pratiques déjà établies ?

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