Le transport maritime entre dans une phase de décarbonisation


Par Geneviève Cournoyer-Scalise 19 février 2021

Le secteur de l’aviation a déjà amorcé son virage vert avec l’adoption d’un carburant alternatif durable par certaines de ses compagnies aériennes. L’électrification des flottes de véhicules est le sujet chaud de l’heure pour l’industrie du camionnage qui est pleine révolution. C’est maintenant au tour de l’organisation maritime internationale (OMI) de dévoiler ses objectifs pour assurer un développement durable de son industrie, elle qui vise une réduction des émissions mondiales de 50 % par rapport aux données de 2008 d’ici 2050 et la mise en opération de navires commerciaux zéro carbone dès 2030.

Le transport maritime demeure le mode le moins polluant quand on le compare aux autres. En effet, avec un litre de carburant pour une tonne de marchandise transportée, un navire parcourt 358 km ; un train, 225 km ; et un camion, 41 km.1 Un avantage considérable pour l’acheminement de biens de consommation sur de longues distances. Malgré sa grande efficacité énergique, l’industrie maritime est pourtant responsable de 3 % des émissions de CO2, de 15 % des émissions d’oxyde de soufre (SOx) et de 17 % des émissions d’oxyde d’azote à l’échelle mondiale, tous des facteurs qui contribuent aux émissions de gaz à effets de serre (GES).2

L’an dernier la création du programme OMI 2020 par l’organisme visait à limiter la teneur en soufre à 0,50 % m/m à même le mazout utilisé à bord des navires. Depuis, cette mesure a permis de diminuer de 77 % les émissions SOx des navires, une réduction annuelle de 8,6 millions de tonnes métriques.3 Afin de réduire son empreinte écologique, l’OMI compte bien poursuivre son élan vers la carboneutralité et pour y parvenir plusieurs pistes de solutions sont envisagées.

Carburants écoresponsables

Plusieurs carburants écoresponsables s’imposent peu à peu comme de nouveaux standards dans l’industrie maritime. Parmi eux, on compte les gaz légers (GNL, bio-GNL, gaz naturel synthétique, gaz naturel renouvelable et hydrogène), les alcools (méthanol, éthanol et ammoniac) et les biocarburants de synthèse biosourcés liquides ou gazeux (bio diésel, bio H2, bio GNL, etc.) Leur principal avantage : ils peuvent tous être utilisés comme combustible pour la production d’électricité et de propulsion, sans porter atteinte à la vitesse des échanges.

Dans le groupe des gaz légers, l’hydrogène est une technologie particulièrement prometteuse puisque son utilisation ne génère aucun rejet de particule de soufre ou d’azote dans l’air. De leur côté, le méthanol et l’ammoniac nécessitent un réaménagement des navires et un soutage plus fréquent. Ils seront donc préconisés lors de trajets de plus courtes distances. En ce qui concerne les biocarburants, le défi qui se pose est le même que celui auquel fait face l’industrie aérienne : les quantités disponibles sont limitées et vu leur forte demande à l’heure actuelle leur prix est très élevé. Pour plus de précision sur le sujet, consultez également notre article « Investir maintenant dans un carburant aérien alternatif pour une industrie durable ».

Énergie éolienne

Le vent, source d’énergie inépuisable, est à l’origine même de la grande histoire d’amour entre le transport maritime et les échanges commerciaux internationaux. Et si un retour aux sources s’imposait ? De nombreux projets sont actuellement à l’étude pour assurer le développement d’un mode de propulsion hybride, qui combine la force éolienne à celle d’un moteur pour gagner en efficacité tout en réduisant la consommation en carburant.

Selon l’International Windship Association les navires dont la propulsion est assistée par le vent pourraient réduire de 50 %, en moyenne, leur consommation de carburant et leurs émissions de GES. Certains modèles pourraient même être alimentés à 100 % par l’énergie éolienne. Dans le cadre de son Clean Maritime Plan pour 2019, le gouvernement britannique a réalisé une étude qui révèle que le marché des systèmes à propulsion éolienne pourrait atteindre une valeur de 3,5 milliards de dollars à l’échelle mondiale, d’ici 2050.4 Les résultats escomptés dépendent bien sûr du type de technologie employée, du nombre de voiles installées sur les navires, de la vitesse et de la direction du vent.

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Mais attention, on ne parle pas ici de grandes voiles de lin hissées au bout des mats, mais plutôt de nouvelle génération de voiles. Qu’elles soient rigides ou souples, ces voiles peuvent être inclinés en fonction de la direction du vent et elles ont la possibilité d’être rangées lorsqu’elles ne sont pas en utilisation, lors du chargement ou du déchargement par exemple.

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Une autre technique utilisée pour produire de l’énergie éolienne consiste à l’installer des cylindres rotatifs ou de rotors verticaux. Dressés sur le pont des navires comme des grands tubes, ils utilisent le phénomène aérodynamique basé sur le principe de la propulsion par la rotation de l’air. Contrairement aux voiles, la force du vent n’est pas un facteur déterminant ici puisque ces tubes sont alimentés par leurs propres petits moteurs internes.

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Les turbovoiles découlent d’un concept conjoint entre voiles et cylindres, sans pour autant détenir leur pouvoir rotatif. Toutefois ces voiles sont munies d’un ventilateur interne qui aspire l’air à travers une couche d’air limite, ce qui modifie la pression et produit un mouvement vers l’avant.

Miser sur une coque plus aérodynamique

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Transformer la forme de la coque d’un navire en voile géante, et pourquoi pas ? Le principe est inspiré par le fardage en créant un vide du côté du navire qui est sous le vent afin de le propulser en générant une traction, un peu comme une aile d’avion qui utilise la faible pression sur la face supérieure de l’aile pour générer de la portance. Ce type de navire est toujours en phase de conception, mais il promet d’utiliser un logiciel qui permet la traçabilité du meilleur trajet possible en fonction des conditions météorologiques et de la prédiction des vents pour des résultats optimaux.

Stocker de l’énergie à l’aide de turbines éoliennes

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Même si pour l’instant ce système n’est pas encore employé par les flottes commerciales, l’intégration de cette nouvelle technologie offrirait plus de flexibilité compte tenu de la capacité à emmagasiner l’énergie produite au large des côtes. Ainsi alimentées par la force du vent, les éoliennes actionnent les turbines qui relaient l’énergie dans des batteries rechargeables à bord, un processus qui permettrait aux navires de devenir autosuffisants en électricité une fois amarré au port. Mais deux défis de taille doivent être surmontés avant de pouvoir intégrer cette technologie à bord des navires marchands, car l’usure des éoliennes est beaucoup plus marquée en air salin et la hauteur de leur installation est limitée puisqu’elle peut provoquer une instabilité en mer.

L’industrie maritime a également évoqué la possibilité de mettre en place une stratégie d’économie d’énergie basée sur la réduction de la vitesse pour ainsi limiter ses émissions de GES. Toutefois, sachant que le transport de marchandises par voie maritime est de loin le plus lent d’entre tous, cette solution n’est pas à privilégier pour un transitaire international tel que Cargolution. Nous savons à quel point le temps de transit en mer est une pierre angulaire dans notre métier et que le respect des échéanciers est crucial pour nos clients et leur chaine d’approvisionnement. Pour parvenir à la réussite de son plan ambitieux, il est évident pour nous que l’OMI doit miser d’abord et avant tout sur l’innovation et sur le développement technologique pour assurer l’avenir de ce secteur en pleine phase de transformation !

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