Le défi du siècle : la distribution du vaccin contre la Covid-19.


Par Geneviève Cournoyer-Scalise 23 novembre 2020

« Industrie du transport et de la logistique, votre mission si toutefois vous l’acceptez, sera la distribution du vaccin contre Covid-19. » Non, ceci n’est pas une fiction, mais bel et bien le plus grand défi auquel notre industrie sera confrontée au cours des prochains mois…

La course au vaccin contre la covid-19 bat son plein. Le résultat de tests préliminaires fuse de partout depuis les dernières semaines. Les sociétés pharmaceutiques Pfizer et BioNTech ont été les premiers à dévoiler les résultats de leur étude : leur vaccin contre la covid-19 est efficace à 95 % et leurs tests entament la phase 3, dernière et ultime étape avant une demande d’homologation.

Depuis, les gouvernements de tous les pays se ruent pour conclure des ententes auprès de firmes pharmaceutiques garantissant les stocks nécessaires à la vaccination de masse de leur nation, et ce, le plus rapidement possible. Le directeur général de la société allemande BioNTech, le Pr Ugur Sahin, a déclaré à la BBC que « si tout continue à bien se passer, nous commencerons à délivrer le vaccin à la fin de cette année (…) Notre but est de délivrer plus de 300 millions de doses de vaccin jusqu’à avril l’année prochaine » .1 Même si la Chine et la Russie ont également confectionné un vaccin contre la Covid-19, les pays occidentaux semblent encore réticents à leur passer une commande étant donné le manque de transparence quant aux résultats d’efficacité de leur formule.

Pour sa part, le Canada a déjà sécurisé 76 millions de doses auprès des sociétés Pfizer et BioNTech. Pourquoi autant de doses considérant que notre population ne compte que 38 millions d’habitants ? En fait, le vaccin développé par Pfizer et BioNtech nécessite deux doses, lesquelles doivent être administrées à trois semaines d’intervalle. Ce vaccin doit cependant être conservé à une température de -70 °C, de sorte que sa distribution, s’il est approuvé, entraînera son lot de complexités. Il pourrait ensuite être conservé à une température variant entre 2 °C à 8 °C, 24 heures avant d’être administré.2

Mais comme il vaut mieux ne pas tout mettre ses œufs dans le même panier, le Canada a également réservé 56 millions de doses du vaccin de société pharmaceutique américaine Moderna, qui démontre une efficacité comparable de 95 % contre la Covid-19. Contrairement au vaccin de Pfizer et BioNTech, celui de Moderna, resterait stable beaucoup plus longtemps dans un simple réfrigérateur, mais ces données doivent encore être confirmées et l’étude révisée par des pairs.3 Au total, le Canada s’est assuré l’accès à sept vaccins candidats de premier plan, a affirmé la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Anita Anand, dans un courriel à La Presse.

Maintenant que le monde entier se mobilise et espère déjà les premières livraisons de vaccins en attente d’approbation, un véritable défi de taille se dessine à l’horizon pour notre industrie : le transport certes, mais également le plan logistique derrière la distribution mondiale de plusieurs milliards de doses du vaccin d’ici la fin de 2021. Une opération sans précédent, déployée aux quatre coins du globe quasi simultanément, dans un délai dit « raisonnable » selon la durée de vie des vaccins et en fonction des particularités à respecter qui varient d’une formule à l’autre. Pour y parvenir, une préparation réfléchie et une planification rigoureuse de l’industrie du transport et de la logistique devront être envisagées en collaboration avec les gouvernements de chaque pays respectif pour que la chaine d’approvisionnement puisse répondre adéquatement à la demande et ainsi éviter le plus possible les obstacles logistiques.

Comme certains de mes collègues se plaisent à le dire : « ce ne sont pas des patates que nous transportons ici ! » L’industrie pharmaceutique est régie par certaines règles et règlementations bien précises pour garantir l’intégrité et l’efficacité de chaque dose. Les vaccins devront voyager à bord des caisses sécurisées et à température contrôlée. Il faudra prévoir des installations logistiques à grande capacité maintenues à une température adéquate, gardées sous haute surveillance étant donné la nature prisée de la marchandise. Bien sûr, il faut également réfléchir à tout le processus frontalier et au dédouanement des cargaisons prioritaires qui transigeront sur la scène internationale pour ainsi limiter les délais de livraison en temps de crise mondiale.

L’Association internationale du transport aérien (IATA) qualifie l’opération comme étant « la mission du siècle pour l’industrie mondiale du fret aérien ». En effet, dans l’hypothèse qu’une simple dose suffit à vacciner les 7,8 milliards de personnes sur terre, il faudra quand même emplir 8000 avions-cargos de type 747 pour assurer la distribution du vaccin à l’échelle mondiale .4 Les transports terrestre, intermodal et ferroviaire risquent de jouer un rôle de soutien fort important en ce qui a attrait à la distribution domestique et locale étendue sur un même territoire, voire sur un même continent pour l’Europe par exemple,  considérant la proximité territoriale entre pays voisins.

Bref, une fois que les compagnies pharmaceutiques obtiendront le feu vert, l’ensemble de la santé publique mondiale reposera désormais entre les mains de l’industrie du transport et de la logistique. Un travail colossal et complexe pour les transitaires internationaux qui devront coordonner la logistique derrière une opération d’une telle envergure et dont le moindre grain de sable pourrait faire coincer l’engrenage de la chaine d’approvisionnement. D’où l’importance de peaufiner un plan de match logistique aux multiples alternatives, en cas d’urgence. Toutefois, soyez rassurés car aucune mission n’est impossible! Prévoir l’imprévisible c’est l’histoire même qui se cache derrière le succès de notre profession !

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